[Écriture] Les réalisations du Nico

La station spatiale était plongée dans la pénombre et le silence.

Épuisés par une rude journée de labeur, les membres de l'équipage avaient sombré depuis déjà quelques heures dans un profond sommeil.
Allongés et fermement sanglés sur leurs couchettes respectives dans le vaste dortoir frais et aseptisé, ils tentaient de reprendre des forces afin de se préparer à leur prochain retour sur Terre.
Plus que deux jours et les cinq astronautes pourraient retrouver le plancher des vaches. La capsule devant les ramener sur Terre était encore fermement arrimée à la station, parée pour sa longue chute dans l'atmosphère.
L'ordinateur de contrôle de la station, veilleur infatigable, montait la garde, surveillant les fréquences, épiant les moindres trajectoires des objets célestes susceptibles de venir inquiéter la station.
Et depuis quelques minutes, il ne manquait pas de travail; de nombreux objets non-identifiés apparaissaient et disparaissaient de ses scanners, surgissant de l'atmosphère à plusieurs milliers de kilomètres à l'heure avant de mieux y replonger. L'un de ces objets, farceuse ogive d'acier de plusieurs dizaines de tonnes, inquiétait tout particulièrement la machine, notamment de par sa trajectoire qui allait l'amener au mieux à frôler la station, au pire à s'y encastrer.

Après avoir en vain tenté de contacter la base de Cap Canaveral par le biais de protocoles préétablis, et faute de réponses, l'ordinateur décida d'activer les rétrofusées de la station afin d'éviter à celle ci une funeste collision. Les signaux d'alarme résonnèrent dans toute la station tandis qu'une voix aux accents déshumanisés énonçait d'un timbre dénué d'émotions l'avertissement suivant :
"Alerte Collision…Allumage des rétrofusées dans…5…4…3…2…1…Allumage en cours."
L'équipage se réveilla et fut plaqué sans ménagement contre ses couchettes par la forte poussée. La violente pression se poursuivit pendant encore plusieurs secondes sans s'amenuiser, puis, s'interrompit brusquement au moment où l'objet non-identifié frôla la station nimbé d'une nuée de débris.

Si l'équipage, actuellement incapable de bouger, avait pu observer de plus près l'objet en question, il n'aurait pas manqué de reconnaître en lui l'étage supérieur d'un missile balistique nucléaire intercontinental de facture américaine. Ironie du sort, la majeure partie du mortel projectile avait été fabriqué dans les mêmes ateliers d'où étaient sortis la plupart des modules composant la station.
L'ogive dépassa la station puis adopta une trajectoire descendante en direction d'une probable cible terrestre à annihiler. Elle n'avait causée aucun dégâts à la station mais cela n'allait sûrement pas être le cas de la foule de débris l'accompagnant. Des centaines de fragments de taille réduite croisèrent la trajectoire de la station, plusieurs dizaines d'entre eux venant violemment s'y ficher.
La majorité de ceux-ci heurtèrent les immenses panneaux solaires de la station sans provoquer de gros dégâts, la minorité d'entre eux choisi quant à elle de heurter de plein fouet les modules principaux de la station. En quelques instants, plusieurs d'entre eux vinrent transpercer de part en part le module des communications ainsi que le module abritant l'ordinateur de bord. Les portes desdits modules se scellèrent en quelques instants, stoppant ainsi la décompression en cours.

Au milieu des secousses et des stridents signaux d'alarme, l'équipage entrepris de s'extraire des couchettes et de faire le point de la situation sur la console la plus proche.
Après quelques vérifications de routine, ils apprirent deux informations essentielles. La première était la confirmation de la parfaite étanchéité de la station une fois les modules endommagés correctement scellés; la seconde était que, suite à la destruction du module abritant l'ordinateur de vol, celui-ci n'avait pu allumer les rétrofusées afin de stabiliser la station sur une orbite donnée. Toujours propulsée par sa poussée initiale, la station se dirigeait maintenant vers la Terre à plusieurs centaines de kilomètres à l'heure, son entrée dans l'atmosphère et la destruction totale en découlant n'étant plus qu'une question de minutes.
Les membres de l'équipage tentèrent en vain de contacter la base au sol mais, à défaut de réponses, ils n'obtinrent que des parasites, y compris sur les fréquences de secours.
Il fallait se rendre à l'évidence, ils étaient seuls, sans assistance extérieure, sans possibilité de joindre qui que ce soit, coincés dans une station folle lancée vers un funeste destin.

Il ne leur restait qu'une solution, emprunter la capsule de secours pour revenir sur Terre avant l'heure prévue. Les courts-circuits, ruptures de conduites et autres débuts d'incendies se propageant aux modules les uns après les autres, l'équipage revêtit en urgence les tenues adaptées puis pénétra dans la capsule. Un fois le sas refermé, sanglés et la check-list effectuée, ils procédèrent à la séparation de leur moyen de fuite de la station.

La capsule s'éloignait lentement en tourbillonnant sur elle même, les pilotes tentant sans relâche de corriger la trajectoire erratique de leur véhicule spatial. Par l'étroit hublot de la capsule ils aperçurent alors une dantesque vision de la Terre qu'ils seraient sans doute les seuls à observer.
L'atmosphère de la planète bleue était constellée d'explosions de forte puissance luisantes sous une épaisse couche nuageuse comme si le berceau de l'humanité subissait dans son ensemble une divine vengeance d'une violence inouïe.
A défaut d'intervention divine il s'agissait en l'occurrence de multiples explosions atomiques de forte puissance répandant la mort et la destruction sur l'essentiel du globe sans distinction aucune.

L'Apocalypse se déroulait sans eux sous leurs yeux…